Après une permission de quelques jours, le Maréchal des Logis retrouve son unité.

Une permission et départ pour la Somme début août 1916.

17 juillet

Au matin nous partons pour le camp de Mailly où nous devons faire des expériences. Nous cantonnons à Pogny (Marne, chambre chez le notaire).

Le lendemain 18 Nous arrivons à Trouan le Petit (Aube) où nous cantonnons pendant notre séjour ici.

Vu à Mailly des pièces de 400 et 380 ; des Russes. Séjour assez agréable à Trouan. Bureau chez Gillain, débitant tabac ; très accueillants. Revu Seigeot receveur à Carignan, détaché à Arcis sur Aube ; Armandé fils du receveur de Rocroi, détaché à la gare de Mailly.

Lundi 30

Au soir, arrive un ordre de se tenir prêt à embarquer le lendemain.

Mardi matin

Précisions : nous embarquons en chemin de fer à l’arsenal de Mailly à 5 heures. Destination inconnue, mais au moment où on parle d’embarquer, c’est la Somme. Nous quittons Trouan à 4 heures ; la famille Gillain est tout en larmes ; c’étaient de bonnes gens et nous les regrettons. A 4 h ½ on est en gare. Le train est formé ; on embarque les tracteurs, canons, camions et voitures. Il fait un soleil de plomb. J’ai un mal de tête horrible et ne puis dîner. Nous avons, à 3, un compartiment de 2ème classe. On s’y installe. Le train démarre à 9 h pour la gare de Mailly que nous ne quittons qu’à minuit. On sait qu’on va à Noisy le Sec. Mais de là ?... On passe par Châlons, Château Thierry (que de pensées vers les 2 êtres que j’adore). Arrivée à Noisy vers 9 heures. Après maints pourparlers ; le train n’étant pas signalé ( !!!) la machine « Est » nous conduit au Bourget. Là une machine nous prend le train. Interrogé le mécanicien dit devoir le conduire à Longueau (près Amiens). Cependant, le train suit la ligne de Soissons. J’ai une lueur d’espoir vite dissipée. A Ornoy-Villers, il bifurque vers le nord. C’est Estrées St Denis, Montdidier, et Longueau. Là nous débarquons.

On quitte la gare pour cantonner à Rumigny (7 km au sud d’Amiens) où nous devons attendre des ordres.

Naissance de sa fille Madeleine, on lui accorde, « quelle bienveillance ! », deux jours de permission.

11 août

Naissance de Madeleine. J’ai le télégramme le samedi 12 à 8 h soir. On me donne 2 jours de permission (quelle bienveillance !!) Je pars d’Amiens à 2 h matin et suis à Neuilly le dimanche à 1 heure après-midi. Je trouve toute la famille en bonne santé ; la petite Madeleine est bien portante. C’est pour 2 jours, mais enfin cela fait plaisir. Marguerite est bien soignée. Je repars, tranquille, mais avec de l’ennui quand même le mercredi 16 à 6 h soir. Arrivée à Amiens à 5 h matin, à Rumigny à 11 heures.

« C’est le champ de bataille dans toute son horreur ».

23 août

A 8 h matin nous partons tous pour Etinehem, petit pays au bord de la Somme (au nord d’Amiens). Le soir, la batterie met en position à Curlu, dans les jardins.

J’y vais le lendemain ; il y a 15km. On passe par Bray où il y a des traces de bombardement, Suzanne, pas mal détruit, Vaux, et par une route longeant le marais on arrive à Curlu. Le pauvre pays est dans un triste état. Pour le prendre il a fallu bombarder le village qui est maintenant détruit. Quelques jours après la pluie transforme les chemins en marécages et c’est avec mille difficultés qu’on arrive à effectuer le ravitaillement. Les camions s’embourbent, se cassent. Enfin, on a mille misères. Le temps se remet heureusement et on améliore les chemins.

3 septembre

Vers 11h ½ soir alors que le Capitaine Ponson, les sous-lieutenants Lair et Hurel étaient couchés dans leur abri, au bord de la Somme, un obus boche de 150 traverse sacs à terre, rondins, et la voûte en tôle, et fait explosion à l’intérieur. On ne retrouve plus que 3 cadavres, au milieu des matériaux éboulés. Consternation dans la batterie.

(Monsieur PETIT en est d’autant plus consterné que peu de temps avant il partageait avec ces officiers une bouteille de Bénédictine que l’épouse du jeune Capitaine avait envoyée. Ce souvenir il l’a souvent raconté à ses filles.)

5 septembre

On les enterre dans un cimetière militaire à Etinehem.

8 septembre

Changement de position.

On met en batterie au-delà du bois d’Hem ou plutôt ce qui reste du bois : un champ garni de quelques piquets. Le terrain est labouré et retourné par nos obus. D’énormes abris boches sont écrasés. Au milieu de la plaine, des cadavres de soldats allemands desséchés ; des obus non éclatés, torpilles, grenades, fusils, casques. C’est le champ de bataille dans toute son horreur ; le paysage est triste et lugubre.

20 septembre

Arrivée du Capitaine de Jouvencel. Je vais le chercher à 5 h ½ du matin près de Maricourt et le conduis au PC du Chef d’Escadron.

Au moment de revenir, voiture embourbée. Elle y reste 2 jours. Résultat : mon képi disparu (enlevé sans doute par des explosions car la voiture revient abîmée). Du PC j’assiste à une formidable attaque boche. Tirs de barrage épouvantables avec 210 et toute la gamme. A la batterie, 2 tués. Je ne puis quitter les Carrières que vers midi. Je rentre dans un état : rempli d’eau et de boue des pieds à la tête. Ça se renouvelle quelques jours de suite.

8 octobre

Nous avançons : mise en batterie près de Cléry. Position très dangereuse. Les routes sont effroyablement marmitées. Nous y perdons un conducteur de tracteur ; puis quelques jours après : un autre ; un cuisinier tué – quelques blessés.

19 octobre

Nous allons au repos à Saveuse à 3 km d’Amiens (à l’Ouest).

Bureau installé dans le pavillon « la petite Saveuse » qui appartient à un professeur du lycée d’Amiens.

Du 1er novembre au 11 novembre Je pars en permission et je trouve ma famille en bonne santé.

« Le mauvais temps arrive ».

12 novembre

Au matin nous partons en position à Buscourt en avant de Feuillères. L’échelon est à Méricourt.

La position est bien installée : sapes très profondes, boisées, établies par les boches. A l’échelon installé à Méricourt, par les clairs de lune les avions boches viennent lancer des bombes, comme du reste dans toute la région. (Il y a 6 semaines déjà près de Cappy, nous avons été copieusement arrosés, bombes d’avions ; et 133).

Le mauvais temps arrive. Les routes sont dans un état épouvantable. On éprouve bien des ennuis avec les voitures. L’atelier est toujours encombré. Le séjour à Méricourt se prolonge et le repos ne vient pas vite.

1917

20 janvier 1917

Nous allons au repos à Lamotte en Santerre, à quelques kilomètres en arrière de Méricourt.

Séjour peu agréable, en raison de l’affluence des troupes au repos, due à la proximité du front. La gelée prend fortement ; la neige tombe et ne fond pas.

22 janvier 1917

Au matin, nous quittons Lamotte pour aller à La Hérelle (Oise) (à mi-chemin entre Amiens et Beauvais) où nous devons passer 2 jours avant d’embarquer. Il fait un froid intense. Déjà quelques radiateurs sont crevés. Nous sommes à peu près bien installés à La Hérelle.

FIN DU DEUXIEME CARNET

 

 

Monsieur Petit pense beaucoup à sa famille, mais les permissions sont rares, et toujours trop courtes, ou refusées à la dernière minute. Le courrier n’arrive pas, notamment pendant les combats de Verdun en 1916, ce qui entraîne du découragement, des inquiétudes, car il est aussi sans nouvelles de ses parents restés dans les Ardennes occupées.

Carnet de guerre d'un Ardennais

 

Georges Petit était maréchal des logis pendant la première guerre mondiale. Il a tenu son carnet de guerre. En voici l'intégralité retranscrite et commentée par Joëlle PAUTEVIN.

Merci de la prévenir pour tout usage que vous souhaiteriez en faire (formulaire page "Contact").

 

Un montage audiovisuel commémoratif

100 ans après le début de la première guerre mondiale, un montage audiovisuel a été réalisé par Juliette CHERIKI-NORT et Joëlle PAUTEVIN mettant en scène des objets métalliques et rouillés comme autant de traces et vestiges de la première guerre mondiale.

Pour le visionner.

Une partie commentée de ces carnets est publiée dans "Destins liés, occupés et occupants des Ardennes (1914-1918)" aux Éditions Terres Ardennaises