1918

1918 – Le 4 janvier

Je prends le train à Lunéville pour aller passer 3 jours à Nogent afin de régler quelques affaires.Malheureusement, comme toutes les permissions, celle-ci se passe bien vite. Retour difficile ; neige, retard dans les trains.

14 janvier

On quitte la position de Manonviller pour revenir à Lunéville, caserne Stanislas.

On y est assez bien cantonné, mais c’est la caserne : consignes assez rigoureuses. Ville triste surtout à la tombée de la nuit où on ne voit par ci par là que les éclairs de lampes électriques portatives.Des hommes s’en vont amorcer une position vers Remenoville.

2 février

Départ pour Baccarat. Le cantonnement y est assez difficile. Le 1er jour on loge tant bien que mal. Mais le lendemain matin, la batterie allant construire sa position à Reherrey (à 6 km de là au nord de Baccarat) on s’installe un peu mieux. Le pays est assez plaisant et doit être pittoresque en été.

Offensives allemandes, sur Paris notamment. Beaucoup de déplacements de mars à juillet 1918.

Nuit du 8 au 9 mars

Les gothas vont sur Paris. Puis ils reviennent de temps à autre.

Lundi 11 mars

Nous quittons Ognéville pour venir cantonner à Frébécourt (Vosges) à 5km de Neufchâteau.

Le cantonnement y est assez bien. Le séjour est agréable (paysage charmant ; vallée de la Meuse).

Dimanche 17

Je vais à Domrémy (5 km de là). J’y visite la basilique et la maison de Jeanne d’Arc.

samedi 23 mars A 7 h du matin, je prends le train à Frébécourt ; je pars pour une perm. de 3 jours à Nogent où Marguerite est souffrante.

Arrivée à Paris vers 4 heures. Devant la gare de l’Est, foule. On me dit que des gothas venus le matin ont lancé des bombes. Le métro, les trams, rien ne marche. Je vais à pied à la gare de la Bastille. Place de la République, débris de verre : des bombes y sont tombées.

J’attends à la gare et je n’arrive que vers 6 heures ½ causant bien entendu une agréable surprise.

Le soir, nous apprenons qu’il s’agit d’obus lancés par une pièce à longue portée (du 210).

Vers 10 h, alerte. Des gothas sont signalés, tirs de barrage. A minuit fin de l’alerte.

Dimanche 24

La pièce tire de ¼ d’heure en ¼ d’heure ; le lundi, répétitions.

Le mercredi après-midi, une carte m’avertit que la batterie est partie de Frébécourt et cantonne à Courtisols (Marne – près de Châlons).

Du mardi 5 au mercredi 20 février

Je pars en permission 10 jours. Je prends le train à Lunéville. A Paris, plus de correspondance pour Nogent par suite du retard des trains. Je suis obligé d’y coucher et le lendemain matin je gagne Nogent.

Plus que toutes, cette permission est passée bien vite, et c’est avec bien du chagrin que le mercredi 20 février, je reprends à Paris l’express de 20 h pour rejoindre Lunéville, la batterie pendant mon absence ayant pris position à Crillon. (Crion.)

Jeudi 21

Arrivée à Lunévilleà midi ½. J’y retrouve tout le monde.

Lundi 25

On quitte la position ; on doit retourner à Manonviller. Soudain, contre ordre.

Mardi 26

Nous nous dirigeons vers Tantonville. Là, pas de cantonnements. On nous envoie à Ognéville (1 700 m de Vézelise), tout petit pays où on ne reste qu’1 ou 2 jours, le régiment devant, dit-on embarquer. Les percos courent : c’est la Champagne ; les Flandres, etc… On apprend au bout de 2 jours qu’il n’en est rien. Nous devons aller près de Neufchâteau en réserve de la 1ère armée. Le départ est fixé, puis, contre ordre dû au mauvais temps. Quelques jours après, le départ est annoncé à nouveau ; puis, contre ordre dû à l’état des routes et aux encombrements causés par les mouvements de troupe.

Jeudi matin 28

Je reprends à Paris l’express de 8 h matin. Je descends en gare de Châlons. Les gothas venus l’avant-veille ont démoli le toit vitré ; la gare de marchandises ; une partie des établissements Mielle, et en ville presque des rues entières.

Me renseignant à la gare sur mon unité, on me dit : centre de ralliement, Is sur Tille. J’étais bien ennuyé, me doutant qu’ils allaient plutôt vers la Somme, car le 22 mars, les boches, fonçant sur les anglais, les forcent à reculer, et reprennent le terrain reconquis par nous en juillet 1916 avec tant de peine (Montdidier, Chaulnes, Nesles, Curlu, Ham, etc, etc…).

Je sors donc dans Châlons me demandant où aller, lorsque dans la rue, un homme du 85ème me dit que le groupe va passer incessamment au pont.

En effet, passe le 3ème groupe. On me dit que le 2ème est arrêté à l’entrée de Châlons. J’en suis bien heureux, car où les rencontrer ? (Courir pourtant n’est pas agréable). En effet, je les trouve à l’entrée de Châlons. Avec quel plaisir, je mange vite un morceau, car la colonne va bientôt repartir.

A 1 heure on démarre, traversée de Châlons ; maisons démolies. Ville triste. Les habitants s’en vont. Nous cantonnons à Fère-Champenoise, assez joli pays. Je couche chez Mme Nauthus (?) qui tenait un magasin de vin à Rimogne.

Vendredi matin

Départ. Par Connantre, Sézanne, Esternay, Montmirail, nous arrivons à Nesles la Montagne (à 4 km de Château-Thierry). On cantonne dans des fermes où on arrive vers 7 h du soir.

Samedi

A 9 h, départ. Par Château-Thierry, Viels Maisons, Lizy sur Ourcq (je passe à 3 km d’Etrepilly), Mareuil sur Ourcq. On vient cantonner à Betz (Oise sud ouest de la Ferté-Milon).

 

Dimanche 31 mars

Jour de Pâques, départ à midi pour venir bivouaquer à l’entrée de Compiègne, dans la forêt. La ville est évacuée, soumise journellement aux bombardements des avions et même des pièces à longue portée. Nous couchons dans la forêt. Le matin vers 5h des avions boches survolent la ville.

Lundi 1er avril

A 1 heure, départ. On passe à Clermont et nous arrivons à 8 h du soir à Noyers St Martin (Oise).

Des troupes arrivent de partout.

3 avril

On monte en position dans le village de La Hérelle où nous avions cantonné l’an dernier au sortir de la Somme.

7 avril

Nous quittons le village de Noyers pour installer l’échelon à la ferme de Gouy à 21,500 ( ?) de là.

8

Au matin, on apprend que dans la nuit, une pièce de la 4ème Cie a éclaté : pas de victimes, heureusement.

Dimanche 7

Au soir, une trentaine d’obus de 133 sur La Hérelle. Pas de dégâts. Les boches sont non loin d’Amiens (vers Villers Bretonneux). Le mauvais temps continue.

Mercredi 10 avril

Nous avançons l’échelon à la ferme de Morvillers (à 2 km d’Ansauvillers). Le beau temps a l’air de vouloir prendre. Quelques coups de main. Activité de l’artillerie de part et d’autre.

La 2ème section monte en position près d’une ferme à 1200 m de La Hérelle.

La 1ère section avance non loin du village de Plainville. Marmitages fréquents.

Vers le 15 mai

La chaleur prend fortement.

De l’artillerie arrive encore dans le secteur. Va-t-on attaquer ? On en cause.

Mais, le 27, on apprend que les boches ayant déclenché une attaque formidable entre Soissons et Reims ont réussi à percer le front et avancent. On dit que Cormicy et cette région où nous étions en batterie l’an dernier sont pris.

 

 

28mai

Ordre de partir. A 6 heures du soir, la batterie s’étant rassemblée à la ferme de Morvillers dans l’après-midi, nous partons.

Peu après Clermont, ordre de bivouaquer sur le bord de la route. La nuit, les avions bombardent les gares et pays environnants.

Mercredi 29

A 6 h du matin, départ : par Creil, Senlis, nous gagnons Betz où on doit cantonner. Mais vers 4 h ordre de partir de suite. Cela n’étonne pas, car les journaux annoncent que les boches ont pris Fismes, Bazoches, Ville en Tardenois, etc…Il y a contre ordre. Mais on reste sur le qui-vive.

Jeudi 30

A 6 h, nous prenons la direction de Château-Thierry.

Mais peu après Mareuil sur Ourcq, le camion bureau a une panne assez longue. Pendant ce temps, la batterie avance et nous ne parvenons pas à la rattraper. En arrivant à Château-Thierry, fumées noires derrière la ville. Nous apprenons par la suite que c’est le parc d’aviation que l’on brûle. A Château, plus de civils. Par contre, circulation très difficile. Camions dans tous sens, pressés de passer. A grand peine, nous traversons le pont sur la Marne.

Vers la gare, malgré le motocycliste qui nous dit que la batterie est vers Crézancy, la commission auto nous donne l’ordre de nous diriger sur Montmirail. Nous savons pourquoi après : les boches essayaient à ce moment de passer la Marne à Mézy, à 2 km en face.

 

Des civils se sauvent en masse. Nous sommes bloqués 1 heure sur le pont au dessus de la gare de Château où les dernières machines et les derniers wagons sont attachés en hâte et filent vers Paris.

Le 40ème d’artillerie passe ventre à terre pour mettre en batterie. On éprouve un moment d’angoisse car on sent que le boche n’est pas loin. La route se dégage avec peine. Les voitures de toutes sortes marchent sur 3 rangs. Des ambulances chargées de blessés essaient de se faufiler.

Jusque Montmirail, il en est ainsi. Là pas de nouvelles du groupe. Ne sachant où aller, je suis le 3ème groupe qui va à Orbais. Là on apprend que le 2ème est à Condé en Brie. Mais on y va, et il en est parti pour Igny le Jard. Nous bivouaquons en pleins champs. La batterie arrive dans la nuit et prend position aussitôt, car les boches essaient de passer la Marne. On fait sauter les ponts. Enfin au bout de quelques jours, les boches réussissent à prendre dans Château-Thierry, la rive droite.

Vers le 8 juin

Voyant sans doute qu’ils ne peuvent plus rien par ici, ils attaquent entre Montdidier et Noyon où ils n’avancent que peu. Puis vers la forêt de Villers Côtterets.

Vers le 1er juin, je vois Fernand Thierry dont la division s’installe à Igny. Mais 2 jours après, ils partent.

On est longtemps sans nouvelles. A Nogent, inquiétude très vive. Marguerite me demande s’il faut partir. Une sorte de panique règne là-bas.

Ici, beaucoup de malades et évacués. Fièvre, courbatures.

Echelons, forêt d’Igny le Jard.

Chaque jour on se demande ce que vont faire les boches.

Mis en batterie à Festigny. Bombardement du PC du groupe (forêt de Nesles le Repont). Un soir, une section vient mettre en position dans la forêt d’Igny le Jard. On a appris par un prisonnier que les boches cherchent à passer la Marne. Aussi, on est alerté presque chaque jour. La 2ème section vient rejoindre la 1ère.

9 juillet

Je pars en permission. Marguerite a été très malade. Je la trouve au lit, mais avec beaucoup de mieux.

nuit du 14 au 15 juillet

On entend de Nogent un violent bombardement et on voit vers le front les lueurs des canons. Le lendemain on apprend que les boches ont attaqué sur un front de 80 km de Château-Thierry à l’Argonne. Sur l’armée de Champagne, ils n’ont pu rien faire que de se briser. Entre l’Aisne et Marne, vers Villers-Cotterets il en est de même. Mais entre Château et Dormans, les boches traversent la Marne et occupent Courthiézy, Dormans, La Chapelle Monthodon, St Agnan, etc… Ils viennent à Nesles le Repont, Festigny. Puis ils s’élargissent en direction d’Epernay jusque Montvoisin (?). Leur but était de prendre Châlons, Epernay, et de ce fait Reims, et marcher sur Paris.

18 juillet

Mais, on les arrête et vers le 18, on contre attaque. Les boches reculent, repassent la Marne. Petit à petit se dégage la région de Château-Thierry, Dormans.

Malheureusement le 18, le Lieutenant Fabiani est tué près de l’étang d’Igny le Jard d’un éclat d’obus. L’aspirant Chassen (?) blessé grièvement à la jambe subit l’amputation et meurt aussitôt.

21 juillet

Peu à peu nos troupes retraversent la Marne. On parle que nous devons également le faire, quand le 21 juillet, notre batterie est désignée pour aller dans la Montagne de Reims à la disposition du 1ère CC.

Mise en batterie à Craon (Cran-de Ludes) de Ludes dans la forêt (Montagne de Reims). Site merveilleux. Echelon dans une ferme à Fontaine sur Ay (2km d’Avenay).

Des bruits de dissolution du groupe circulent. La 4ème batterie a versé ses pièces, usées.

Carnet de guerre d'un Ardennais

 

Georges Petit était maréchal des logis pendant la première guerre mondiale. Il a tenu son carnet de guerre. En voici l'intégralité retranscrite et commentée par Joëlle PAUTEVIN.

Merci de la prévenir pour tout usage que vous souhaiteriez en faire (formulaire page "Contact").

 

Un montage audiovisuel commémoratif

100 ans après le début de la première guerre mondiale, un montage audiovisuel a été réalisé par Juliette CHERIKI-NORT et Joëlle PAUTEVIN mettant en scène des objets métalliques et rouillés comme autant de traces et vestiges de la première guerre mondiale.

Pour le visionner.

Une partie commentée de ces carnets est publiée dans "Destins liés, occupés et occupants des Ardennes (1914-1918)" aux Éditions Terres Ardennaises