Retour au front : Marne, Meuse, Haute-Marne

Vendredi 13 juillet

Je quitte, bien à regret ma famille. A 8h je prends à Paris l’express pour Bar le Duc où j’arrive à 2h.

Départ pour (ou par ?) le Varnimot ( ?) à 5 h ½. Je descends à Ramécourt et me dirige sur Juvrécourt (à l’est de Nancy) où devait être le groupe. Là on m’apprend qu’il est à Brabant en Argonne à 8 km de là. Fatigué, je me couche dans une écurie avec des fantassins.

14 juillet

Je gagne ce village où je trouve l’échelon. On est à 6 km des batteries. Village démoli. On est sous un hangar.

Au bout de 4 jours, nous en partons pour venir nous installer dans une forêt, non loin d’Autrecourt (sud est de Ste Menehould), d’une part, et Waly, d’autre part.

Le séjour y serait charmant, mais l’ennui me prend et pendant plus d’un mois ce sont des journées atroces.

Vers le 15 août

La batterie reçoit des obus asphyxiants. Nous avons une trentaine d’évacués. Ce sont des gaz qui brûlent la peau. Quelques uns sont bien touchés. Les boches avaient essayé par ce moyen d’empêcher nos tirs d’artillerie en vue de la préparation de l’attaque. Celle-ci a lieu quand même et réussit : la cote 304 et le Morthomme (au nord ouest de Verdun-entre Verdun et Montfaucon) sont dégagés.

De temps à autre, la batterie reçoit quelques marmitages sérieux qui ne blessent par bonheur personne.

4 octobre 1917

Relève de la batterie. Nous venons à Valcourt, petit village à 5 km de St Dizier (au Sud) où nous devons changer notre matériel de 120 contre du 145 mm. Je vois Coutant et Fédricq employés à Revigny (Meuse) en venant ici.

L’errance continue, avec la douleur de la séparation de ses enfants et de son épouse.

Du 15 au 27 octobre

Je pars en permission. Que ces 10 jours passent vite. Courses tous les jours à Paris. Ma petite Madeleine est bien changée. Elle se dresse seule dans son lit et jacasse toute la journée.

Suzanne est bien gentille. Depuis qu’elle va à l’école (le 1er octobre) elle a du goût pour apprendre.

Malheureusement le départ arrive. Je rejoins le camp d’Halnicourt ( Hallignicourt) (à 2 km de Valcourt). Les pièces sont touchées. On apprend la débâcle en Italie. Que de bruits circulent ! D’autant plus qu’on y envoie des renforts.

20 novembre

Au matin, départ. Il est question d’aller vers Lure où vient de partir le 2/84. Le 4/83 est parti il y a peu de jours à Maxéville. Temps affreux tout le long du voyage : froid, pluie.

1ère étape à Bologne (Hte Marne au nord de Chaumont). Triste cantonnement. Des trains chargés d’anglais passent allant sans doute vers l’Italie. Le soir, dans une grange voisine, un tracteur prend feu. C’est la série, car à Halnicourt ( Hallignicourt) peu de jours avant notre départ un camion a brûlé également.

21 novembre

2ème étape Fays Billot, joli bourg. Réception cordiale. On y fabrique de la vannerie. Billets de logement.

22 novembre

Nous devons partir à 7 h pour Roye (à l’est de Lure) par Vesoul et Lure. Mais un ordre est arrivé la nuit. Nous devons nous diriger vers St Nicolas de Port (Meurthe et Moselle à l’est de Nancy). Est-ce un contrordre, une fausse manœuvre ou quoi ?

Nous passons par Vitrey, Jussey et par une route accidentée mais superbe l’été, longeant la Saône, nous arrivons à Darney (Vosges au sud est de Vittel). Gros bourg où la réception est tout à fait cordiale.

Nos pièces ne nous ont pas suivi. En passant à Corre (Hte Saône) l’une d’elle passe au travers du tablier d’un pont. Notre remorque se jette sur un arbre. Attelage cassé. Enfin la guigne noire. La batterie ne peut nous rejoindre et travaille à rétablir les dégâts.

22 et 23 novembre Nous cantonnons donc à Darney.

La batterie arrive le 23 au soir.

24

Nous partons et cantonnons à Tantonville dans la brasserie. Salles chauffées, couchettes.

25

Départ et arrivée à St Nicolas. Mauvaise impression ; il pleut. On trouve à peine à se loger. Location d’un bureau.

On doit rester là un moment.

C’est la petite ville, mais sans intérêt. On s’y ennuie. D’ailleurs, c’est simple, je m’ennuie partout de me sentir si seul et voudrais être près de ma femme et de mes deux petites. Va-t-on y passer l’hiver ? On le dit.

Cependant les officiers reconnaissent des positions. On dit que les boches, encouragés par la trahison russe, et l’armistice, massent des troupes sur notre front.

11 décembre

Les hommes vont travailler à construire une position, près de Manonviller (est de Lunéville). Je reste quelques jours à St Nicolas.

Samedi 15 décembre

Départ des pièces et du reste des hommes. Je m’installe à Thiébauménil à 3 km de la batterie.

C’est un front bizarre. Pas de bruit de canon pour ainsi dire. Les villages près des lignes sont habités. On construit une position magistrale.

21 décembre

Nous déménageons le bureau pour aller à la ferme de Saulcy (entre Moncel et St Clément).

La neige tombe, puis il gèle. L’hiver se fait sentir rudement.

Carnet de guerre d'un Ardennais

 

Georges Petit était maréchal des logis pendant la première guerre mondiale. Il a tenu son carnet de guerre. En voici l'intégralité retranscrite et commentée par Joëlle PAUTEVIN.

Merci de la prévenir pour tout usage que vous souhaiteriez en faire (formulaire page "Contact").

 

Un montage audiovisuel commémoratif

100 ans après le début de la première guerre mondiale, un montage audiovisuel a été réalisé par Juliette CHERIKI-NORT et Joëlle PAUTEVIN mettant en scène des objets métalliques et rouillés comme autant de traces et vestiges de la première guerre mondiale.

Pour le visionner.

Une partie commentée de ces carnets est publiée dans "Destins liés, occupés et occupants des Ardennes (1914-1918)" aux Éditions Terres Ardennaises